Je,Tu, Nous : la création et le collectif
Nous vivons dans un monde partagé ? Nous voyons tous la même chose ? Pas si sûr, et même on pourrait dire à rebours que c’est le contraire qui est certain !
Dans une équipe de travail, chacun vient avec ses certitudes, ses capacités, son expérience, son parcours : SON regard sur quelque chose. C’est ce regard unique qui devient fondamental quand il peut être partagé. Au lieu de partir du fait que nous formons un groupe, il faudrait réfléchir avec l’évidence que chacun d’entre nous est fondamentalement différent. Cette unicité quand elle peut être partagée, mise en commun devient la seule richesse réelle sur laquelle nous pouvons nous appuyer. Mais ceci suppose évidemment que chacun prenne le temps de devenir complètement singulier dans son approche, dans sa réflexion, que chacun revienne sans cesse au processus de REFLEXION : faire miroir de nos certitudes comme si on les mettait à plat pour les malaxer à nouveau, afin de voir les éléments à la lumière du maintenant.
L’erreur majeure à propos de l’objectivité est de croire que c’est parce qu’on efface nos différences personnelles qu’on rejoint l’idée commune, alors que c’est en réalité le contraire, même l’exact contraire qui se produit : c’est parce qu’on puise dans notre fond individuel unique qu’on parvient à se mettre au diapason avec un projet mené à plusieurs.
Ainsi, la voie de la créativité ne peut se trouver que lorsqu’elle résonne avec la notion de cheminement unique, personnel. Être créatif suppose non pas forcément d’être solitaire, mais d’être en lien profond, en résonance intime à soi-même, parce que c’est ainsi qu’on peut apporter véritablement une vision absolument essentielle (car ne venant que de nous) à d’autres.
La subjectivité, bien comprise, suppose un recentrage, une intériorisation et du temps passé à se confronter à notre challenge, à ce qu’on veut réaliser.
De ce fait, évidemment, la mise en commun, sans ce travail préalable où on puise en soi, sera stérile, puisqu’on ne peut amener au groupe que quelque chose de véritablement individualisé. Et justement, le fait qu’il y ait eu ce parcours en solitaire permettra la véritable mise en commun où tous sont interpellés (et remis en mouvement dans leur propre processus de réflexion) grâce à la singularité, à l’inventivité de ce qui a été découvert.
L’objectivité est donc un mythe commun sinon commode pour essayer de se mettre d’accord sur un mini fragment des choses indiscutable. Sauf que cela n’existe pas…
Ce qu’on peut en tirer comme conclusion, c’est qu’un accord entre différents points de vue ne peut surgir que si la subjectivité a fait œuvre de créativité.
Si la subjectivité ne s’approfondit pas et reste en chemin, alors elle se contentera d’échanger des opinions à propos de la chose commune avec une volonté farouche d’imposer non pas une vue profonde et réelle mais uniquement une option superficielle sur la réalité…
La grande question est donc de savoir prendre le temps de réfléchir en profondeur à ce dont on est porteur au lieu de vouloir le partager trop tôt. Approfondir seulement peut permettre de trouver la troisième voie de la conciliation…